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Projet de logements sociaux : une raison impérative d’intérêt public majeur ?

​Le Conseil d'État a récemment rendu une décision significative concernant l'équilibre entre le développement de logements sociaux et la préservation des espèces protégées. Dans cette décision, en date du 29 janvier 2025 (n°489718), le Conseil d'État a estimé que la cour administrative d'appel de Nancy avait commis une erreur de qualification juridique des faits, en jugeant à tort qu'un projet de logements sociaux ne répondait pas à une raison impérative d'intérêt public majeur au motif principal que ce projet n'était pas indispensable à l'atteinte des objectifs fixés en matière de politique de logement social.



Contexte du projet immobilier


Deux sociétés ont initié un projet de construction de 78 logements sociaux à Villers-lès-Nancy. Ce projet a reçu les permis de construire nécessaires, ainsi qu'une dérogation préfectorale pour capturer temporairement et relâcher des salamandres tachetées présentes sur le site ainsi qu'une autorisation à la destruction. Cependant, une association locale a contesté cette dérogation, menant à son annulation par le tribunal administratif de Nancy, décision ensuite confirmée par la cour administrative d'appel.​


Contexte de stricte protection des espèces protégées


L'article L.411-1 du Code de l'environnement interdit strictement la destruction ou la perturbation intentionnelle d'espèces animales et végétales protégées, ainsi que la dégradation de leurs habitats et des sites géologiques présentant un intérêt scientifique, écologique ou patrimonial particulier.


Cependant, l'article L.411-2 prévoit la possibilité de dérogations à ces interdictions sous certaines conditions strictes :



  1. La dérogation doit être justifiée par l'un des motifs précisément définis, comme « l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques » ou « d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique » ;

  2. Il ne doit pas exister d'autre solution satisfaisante pour atteindre l'objectif poursuivi par le projet ;

  3. La dérogation ne doit pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.


Ces critères, cumulatifs et distincts, doivent être évalués dans un ordre précis, comme l'a précisé le Conseil d'État dans sa décision du 3 juin 2020 (CE, nº 425395, Société la Provençale).



Dans sa décision du 3 juin 2020, le Conseil d'État a précisé que, pour qu'une dérogation soit accordée à l'interdiction de perturber des espèces protégées, un projet doit d'abord démontrer qu'il répond à une « raison impérative d'intérêt public majeur ». Cela signifie "que le projet doit, par sa nature et en tenant compte des enjeux économiques et sociaux, justifier des atteintes aux espèces ou habitats concernés. Cette condition est essentielle avant d'examiner les autres critères nécessaires à l'octroi de la dérogation".


La décision du Conseil d'Etat du 29 janvier 2025 (n°489718)


Saisi de l'affaire, le Conseil d'État a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel, estimant que cette dernière avait mal qualifié les faits en jugeant que le projet ne répondait pas à une raison impérative d'intérêt public majeur (RIIPM). Le Conseil a souligné que la construction de logements sociaux vise à faciliter l'accès à la propriété pour des populations modestes et à loger les plus fragiles. De plus, il a relevé que le taux de logements sociaux dans la commune était structurellement inférieur à l'objectif de 20 % fixé par la loi, constituant l'un des plus faibles de la métropole du Grand Nancy. Ainsi, le Conseil d'État a reconnu que le projet répondait à une RIIPM, condition essentielle pour accorder une dérogation relative aux espèces protégées. ​



Implications pour les projets immobiliers futurs


Dans sa décision du 29 janvier 2025, le Conseil d'État a en effet jugé que la cour administrative de Nancy avait inexactement qualifié les faits en estimant que le projet de logements sociaux ne répondait pas à une raison impérative d’intérêt public majeur. La cour avait notamment fondé son raisonnement sur le fait que le projet n’était pas nécessaire à la date des arrêtés litigieux pour atteindre les objectifs d’aménagement durable et de politique de logement social de la commune, et qu’il n’était pas démontré que la commune connaîtrait une tension particulière en matière de logement social.



  • Qualification erronée des faits : La cour administrative d'appel de Nancy a estimé que le projet ne répondait pas à une raison impérative d'intérêt public majeur, notamment en invoquant le fait que le projet n'était pas « nécessaire » pour permettre à la commune d'atteindre ses objectifs en matière d’aménagement durable et de politique du logement social. Cette qualification est remise en cause par le Conseil d’État. En effet, l’argument selon lequel le projet n’était pas nécessaire le taux de logements sociaux de la commune, observé sur une période significative de dix ans, était structurellement inférieur à l'objectif de 20 % fixé par le législateur et l'un des plus faibles de la métropole du Grand-Nancy,


  • Absence de preuve de tension particulière en matière de logement : La cour a aussi estimé qu’il n’était pas démontré que la commune connaîtrait une situation de « tension particulière » dans le secteur du logement social, et donc que le projet n'était pas urgent. Le Conseil d'État, cependant, n'a pas validé cette analyse, considérant que la commune avait un besoin manifeste de logements sociaux, étant donné que le taux de logements sociaux était structurellement inférieur à l’objectif législatif, et qu’il s’agissait d’une situation de sous-réalisation sur plusieurs années.


  • La distinction entre seuil et plafond des objectifs de la loi SRU : Un autre point important souligné par le Conseil d'État est la distinction faite par la cour entre les objectifs de la loi SRU, qui sont des seuils à atteindre et non des plafonds. En d’autres termes, même si la commune avait déjà réalisé une partie de son quota de logements sociaux, cela ne signifiait pas que l’objectif était atteint pour autant. L’objectif de 20 % est un seuil minimal que la commune doit respecter, et non un plafond qu'elle ne doit pas dépasser.



Il est pourtant important de préciser que, même si le Conseil d'État a invalidé la décision de la cour, il n’a pas affirmé de manière catégorique que le projet répondait à une raison impérative d’intérêt public majeur. L’affaire est désormais renvoyée à la cour administrative d'appel de Nancy.


La cour pourrait également examiner d'autres conditions légales de délivrance de la dérogation « espèces protégées », telles que les critères de l'absence d'autres solutions satisfaisantes et l'impact sur la conservation des populations concernées, afin de vérifier la légalité de la dérogation délivrée.

 

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